Debout les Damnés de la Terre!

Vous êtes vous déjà demandé, Camarades, pourquoi vous vous leviez le matin, dans le faux calme d'une nuit trop courte? Vous êtes vous déjà demandé, en réveillant vos enfants le ventre vide pour leur laisser un peu de gruau, si cela avait toujours été la condition des hommes ?
Avez-vous pris le temps, entre deux paniers chargés de précieux charbon, de vous demander pour qui vous creusiez inlassablement le ventre de la Terre ?
Je sais, Camarades, que vous avez la réponse chaque matin en regardant l'usine de votre patron, ou les terres de votre seigneur!
Chacun de vous sait très bien ce qu'il y a de plus pourri au coeur de notre patrie !

Vous aussi, Camarades, vous savez que vous trimez jour et nuit pour permettre à ces patrons et ces nobles de s'enrichir sur notre dos.
C'est de nos pleurs qu'ils font tourner leurs machines, des vêtements de nos femmes dont ils se parent, du pain de nos enfants dont ils se nourrissent.
Ils nous dépouillent de tout, Camarades, notre travail vaut plus que les miettes qu'ils nous laissent.
Ils prennent la différence pour se faire bien voir des autres dirigeants du monde et avilissent notre pays.
Nous en avons la preuve! Les grands nantis de notre pays, drapés de fourrures hors de prix, s'en vont en ballons, qui volent grâce à notre travail, au mariage du roi d' Angleterre et d'une décadente. Nous avons appris la nouvelle : c'est avec un joyau payé avec le travail des ouvriers russes que les aristocrates s'en vont faire des ronds de jambes et prendre le thé bien au chaud avec d'autres patrons du grand capital.
D'ailleurs nous ne savons pas grand-chose sur ce mariage : encore une preuve qu’ils ont honte d'étaler leurs richesses à la face du monde. S'ils le faisaient, Camarades, nous serions encore plus en colère que tout ce que nous pouvons imaginer.

C'en est assez! Nous avons assez payé pour leurs fantaisies, nous avons droit nous aussi à vêtir nos femmes et nourrir nos enfants !
Nous ne nous levons pas avant l'aube pour rien, leurs richesses nous appartiennent ! Nous avons produit leurs beaux ballons, nous avons construit leurs machines gigantesques et leurs immenses palais. Ils nous ont mis à terre pour nous empêcher de vivre dignement de ce que nous avons saigné pour bâtir.
Ils ont oublié une chose : Quelqu'un que vous avez privé de tout n'est plus en votre pouvoir. Il est de nouveau entièrement libre.

Montrons leur notre force, Camarades de tous pays! Manifestons lors de ce mariage dispendieux au Royaume Uni, et, forts parce qu'ensemble, faisons les trembler dans leurs paroisses au murs d'or ! Ils ont peur de nous, et ils ont raison !

Vox

Le Pain Quotidien 17 octobre 1879